« Le passé tend à
reconquérir son influence perdue en s'actualisant » Henri Bergson in Matière et
mémoire (1896)
En plein bouleversement géostratégique
international, nous constatons, plus que jamais, que l’intelligence économique
de 3ème génération constitue un vecteur d’influence dans les domaines à la fois
politiques, économiques, diplomatiques et transversaux. Influencer les activités les plus variées, dans un contexte mondialisé où la
conquête de terrain[1]
n’a plus de frontières devient un véritable enjeu. Seule la volonté fixe des
limites.
Pour les acteurs publics et privés, dès
lors que la planification est arrêtée, les approches stratégiques et tactiques
mises en place, la finalité demeure toujours la même : comment convertir le
pouvoir en influence tout en prenant en compte les actions (passives ou
actives) des adversaires. Les méthodes d’influence, contre-influence ou
anti-influence, émergent tous azimuts.
Ainsi, l’influence se trouve souvent au
milieu de scénarios complexes, de situations changeantes et de variables
externes imprévues, obligeant les concepteurs et les acteurs de la
planification, de la stratégie ou de la tactique, à voir le théâtre
opérationnel comme une totalité. Les nombreuses activités et composantes
(directes ou indirectes) sont considérées comme des ensembles dont l’influence
holistique se nourrit.
Cette vision du monde où les
ensembles sont supérieurs à la somme de leurs parties, associe des aspects
historiques, comparatifs, descriptifs, conceptuels, gnoséologiques et de la
théorie générale des systèmes. L’objectif est de dégager une feuille de route,
un plan d’action, des indicateurs, avec des marges de manœuvre plus amples.
Dans cette perspective aujourd’hui, le
plus important est de disposer d’agents d’influence efficaces, porteurs d’une
doctrine, d’une culture. Il n’est pas souhaitable, tant dans les secteurs
public ou privés, de laisser cette mission aux mains d’acteurs déjà influencés
par les cibles car ils deviennent dès lors un cheval de Troie (parfois
involontairement) pour le système ou l’organisation. Sans cette fonction
essentielle, les moyens et techniques sont parasités.
Sinon comment serait-il possible de suivre
la définition de Talcott Parsons[2]
pour qui «l’influence sert à convaincre autrui de l’avantage
qu’il a à se rallier aux vues souhaitées (persuasion), et les engagements
généralisés à démontrer à autrui que le devoir lui interdit de refuser son
aide. On ne saurait parler d’influence dans les cas où l’effet produit est
accidentel et involontaire : on dit qu’un acteur a de l’influence quand il
oriente les opinions d’autrui dans un sens et une direction qu’il a
préalablement choisis. On ne peut pas séparer, dans l’exercice de l’influence,
l’effet de l’intention.»[3]. Dès lors la capacité générale à persuader est décisive car
l’influence est une action qui s’exerce de façon graduelle, continue, presque
insensible et coopérant avec d’autres causes dans la production de ses effets[4].
En ce qui concerne les organisations en
général, deux auteurs américains préconisent une stratégie d’influence selon
les principes des 3R (Rétribution, Réciprocité et Raisonnement)[5],
appliqués selon des méthodes opératoires (défensifs et offensifs) bien précis
tandis qu’un troisième auteur
analyse le processus de l’influence[6] et les neuf tactiques[7]
proposées selon trois résultats qualitativement différents des essais
d’influence comme l’engagement, la satisfaction et la résistance.
Finalement, les secteurs d’influence sont
nombreux et les volontés d’agir aussi, mais sans une doctrine et des agents
d’influence performants, les actions seront toujours guidées par des
impondérables. Il est nécessaire d’intérioriser une culture pour que chaque
acteur devienne un ambassadeur d’influence.
Par ailleurs, sachant que l’influence est
une activité pluridisciplinaire, transversale, où les sciences sociales et
humaines en général occupent une place privilégiée, celle-ci doit être amenée
de manière coordonnée, intelligible, planifiée, avec des piliers essentiels
dans son mode opératoire, tels que la psychologie sociale, la politique
globale, la géopolitique et l’histoire du présent.
Ainsi, avec un corpus holistique nous
pourrions inverser les indicateurs de résultats, développer une doctrine
française d’influence sur le territoire national et pour la diaspora dans le
monde. Les partenariats public-privés, par une diplomatie d’influence et une
diplomatie d’entreprise[8],
doivent se développer davantage car bien que les intérêts peuvent paraître
différents et éloignés, ils ont en réalité la même finalité, celle
d’influencer.
[1] Physique ou virtuelle
[2] Talcott Edger Parsons, sociologue
américain, 1902-1979.
[3] Revue française de sociologie, année
1964, vol 5 ; pp 387-401 François Chazel
[4] Vocabulaire Technique et Critique de
la Philosophie, Ed Puf, 1996.
[5] David A
Whetten and Kim S. Cameron, in Developing Management Skills, Prentice Hall,
2004
[6] Gary
Yukl in Leadership in Organizations, Prentice Halle, 1998
[7] Persuasion rationnelle, consultation, comportement
amical, échanges, coalition,
légitimation, pressions, appel personnel, appel aux valeurs et
idéaux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire