Tous
les experts sont d’accord pour reconnaitre le rôle essentiel joué par la CSCE
dans les domaines de la sécurité, le désarmement, les mesures de confiance et
la coopération[1]
en Europe. Mais on oublie souvent que
simultanément à ces piliers, l’ancêtre de l’OSCE a initié très tôt des actions dans d’autres
domaines, comme l’information
économique, le partage des connaissances
en sciences et techniques, la culture, la dimension humaine, les relations
sociales, …et d’autres thèmes encore non systématisés.
En
effet, en pleine période de la guerre froide, 34 pays se sont mis d’accord en
1972 pour entamer des dialogues et des négociations entre l’Est et l’Ouest, sur
des sujets touchant la sécurité, le contrôle d’armement, le domaine
humanitaire, le commerce ou encore la liberté. L’agenda thématique a été organisé autour de trois grands
chapitres, appelés corbeilles[2],
respectant un code de conduite présenté selon dix principes intangibles[3] .
Les
analyses concernant l’accès à la connaissance scientifique, technologique ou
industrielle, l’information économique et commerciale, les relations humaines,
la culture, la coopération tous azimuts, les liens sécurité-économie, entre
autres, ont été à l’ordre du jour des 44 rencontres qui ont eu lieu dans
diverses capitales européennes entre 1972 et 1992. Trois séminaires spécifiques
en particulier se sont tenus : le forum scientifique à Hambourg du 18 février au 03 mars
1980; le forum de la culture à
Budapest du 15 octobre au 25 novembre
1985; le forum de l’information à Londres du 18 avril au 12 mai 1989, entre autres réunions
spécialisées[4].
Il
est notable que plusieurs variables et indicateurs faisant partie intégrante de
l’intelligence économique version 2013 ont été inclues dès cette époque dans la
feuille de route issue des deux documents fondateurs du processus d’Helsinki[5]
et ont été traités par la suite parmi les autres 22 documents. Dans ces derniers, l’information, la coopération et la sécurité
sont les dénominateurs communs de tous les sujets abordés, en utilisant une
méthodologie que des nombreux experts définissent aujourd’hui comme
« mutualiser et favoriser le développement des pratiques, des dialogues
et d’engagement citoyen », favorisant ainsi la connaissance par l’interaction
sociale.
Ainsi depuis 1972 au sein de la CSCE différents thèmes ayant trait à l’intelligence
économique ont été développés, comme par exemple :
•
« Favoriser le développement d’échanges d’informations économiques et
commerciales par l’intermédiaire de la coopération, des chambres de commerces
et d’autres organismes »
• « Créer les conditions favorables à la
coopération industrielles, scientifique, technologique, développer l’échange
d’information dans ces domaines »
• « Mettre en place la formation des
cadres dans les différents domaines d’activité économique »
• « Promouvoir la coopération de la culture et leur échanges d’expériences » «
reflet de la richesse de l’identité culturelle commune des États
participants »
• « Faciliter une diffusion plus libre et
plus large des informations de toute nature »
• « Encourager la coopération dans les
domaines de l’information sur la base d’accords» car « Information
économique permet de prévoir l’évolution de l’économie, utile à la
prospection… »
•
« …l’influence, l’innovation, la cohésion sociale, les aspects
juridiques…. »
Lors
de l’acte final de la conférence d’Helsinki (1973-1975[6]),
les États participants ont réaffirmés
leur conviction que la coopération dans les domaines du commerce, de
l’industrie, de la science et de la technique, de l’environnement, de
l’éducation et d’autres secteurs de l’activité économiques, contribuent au renforcement
de la paix et de la sécurité en Europe et dans le monde entier[7].
Dans
ce document, les experts ont insisté sur :
- Le
rôle majeur de l’information (économique commerciale, technique, scientifique,
industrielle, juridique, culturelle…) dans le développement du commerce
international, les relations culturelles, la sécurité et la coopération.
- Les
échanges d’informations dans ces secteurs aident aux renforcements de mesures
de confiance, l’extension des contacts entre les personnes. Faire partager des
expériences est un élément essentiel dans ce sens.
-
L’information
économique doit assurer une prospection commerciale appropriée, élaborer des
prévisions, faciliter les échanges et une meilleure utilisation dans les
activités du commerce.
Actuellement,
les experts sont proches de l’état d’esprit des fondateurs de la CSCE car ils
sont d’accord pour affirmer que la sécurité est un pré requis à niveau
stratégique et opérationnel, un élément
essentiel pour le développement économique. Comme eux, ils affirment que l’information, reconnue plus tard en tant
qu’Intelligence Économique, participe à la coopération, l’influence, le développement, contribue à la cohésion sociale, l’innovation, l’importance de la veille
scientifique, technologique, juridique, ou encore que l’Intelligence culturelle
devient un facteur d’influence, etc.…
Est-il
donc aujourd’hui légitime d’affirmer que les initiatives de la CSCE ont été dès
1972 l’une des sources de la
construction de ces disciplines, et de leur redonner toutes leurs lettres de
noblesse ainsi que la place qui leur
revient dans l’élaboration des politiques publiques d’intelligence
économique actuelles ? A la
communauté des experts de se saisir du sujet. A suivre.
Paris,
le 15 février 2013, Mario Sandoval, Vice-président de l’AIFIE.
[1] Processus qui commence le
05 mai 1969 où la Finlande accepte d’accueillir une conférence traitant ces
sujets, puis le discours du président Pompidou au Kremlin du 06 octobre 1970,
l’accord quadripartite du 02 septembre 1971 sur le statut de Berlin, ainsi que la signature de l’accord Salt I du
26 mai 1972, et le sommet de l’Otan du 30-31
mai 1972
[2] 1) Questions relatives à
la sécurité en Europe; 2) Coopération dans le domaine de l’économie, de la
science et de la technique, et de l’environnement, 3) Coopération dans les
domaines humanitaires et autres. Les corbeilles sont devenues actuellement des
dimensions.
[3] Le décalogue : 1-
Egalité souveraine, respect des droits inhérents à la souveraineté, 2-
Non-recours à la menace ou à l’emploi de la force, 3- Inviolabilité des
frontières, 4- Intégrité territoriale des Etats, 5- Règlement pacifique des
différends, 6- Non-intervention dans les affaires intérieures, 7- Respect des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté de
pensée, de conscience, de religion ou de conviction, 8- Egalité de droits des
peuples et droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, 9- Coopération entre les
Etats, 10- Exécution de bonne foi des obligations assumées conformément au
droit international.
[4] Dix réunions d’experts sur
divers sujets, un colloque sur le patrimoine culturel à Cracovie du 28 mai au
07 juin 1991 ; deux séminaires, l’un sur la coopération en Méditerranée à
Venise du 16 au 26 octobre 1984 et l’autre sur les institutions démocratiques à
Oslo du 04 au 15 novembre 1991
[5] Document n°1
Recommandations finales des Consultations d’Helsinki du 22 novembre 1972 au 08
juin 1973
Document n°2 Acte final de la conférence d’Helsinki, qui s’est tenu en
trois phases : du 03 au 07 juillet 1973, du 18 septembre 1973 au 21 juin 1975,
et du 30 juillet au 01 août 1975. http://www.osce.org/fr/mc/39502?download=true
[6] Document n°2 http://www.osce.org/fr/mc/39502?download=true : Acte finale de la conférence d’Helsinki,
qui s’est tenu en trois phases : du 03 au 07 juillet 1973, du 18 septembre
1973 au 21 juin 1975, et du 30 juillet au 01 août 1975.
[7] Sécurité et Coopération
en Europe. Les textes officiels du processus d’Helsinki. Emmanuel Decaux, la
Documentation Française, 1992
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